Quel est le rôle des patients dans l’évaluation des médicaments en France ?

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En décembre dernier, les Amphis de la Santé de l’ESSEC proposaient de s’interroger sur la voix des patients dans le fonctionnement du système de santé français. Les témoignages de Jean-Pierre Thierry et Gérard Viens, membres titulaire et suppléant de la Commission de la Transparence [CT] de la HAS [Haute Autorité de Santé] donnent l’occasion à Caroline Tranvouez, consultante en santé chez CMI, de rappeler la démarche d’évaluation des médicaments en France et d’y resituer le rôle des patients.

Quel est le rôle de la HAS dans l’évaluation des médicaments ? Comment les patients sont-ils impliqués dans cette évaluation ?

La HAS est chargée d’évaluer l’intérêt et le progrès qu’apportent les médicaments et les dispositifs médicaux, ainsi que leur efficience, en vue de leur remboursement par l’Assurance maladie et de la fixation de leur prix par le CEPS. Ces évaluations s’appuient notamment sur une analyse de données cliniques ou en vie réelle, sur des données médico-économiques pour certains produits et sur l’expertise scientifique de professionnels et des experts des commissions concernées (1).

Au sein de la HAS, la Commission de la Transparence est une instance scientifique composée de médecins, pharmaciens, spécialistes en méthodologie et épidémiologie. Elle évalue les médicaments ayant obtenu leur autorisation de mise sur le marché [AMM], lorsque le laboratoire qui les commercialise souhaite obtenir leur inscription sur la liste des médicaments remboursables (articles L.162-17 du code de la sécurité sociale et L.5123-2 du code de la santé publique) (2).

En 2015, les adhérents d’associations de malades et d’usagers du système de santé ont fait leur entrée au sein de la CT ainsi qu’au sein de la CNEDIMTS [Commission Nationale d’Evaluation des Dispositifs Médicaux et des Technologies de Santé], son équivalent pour les dispositifs médicaux. Ils y siègent en tant que membres titulaires ayant voix délibérative (3), c’est à dire qu’ils participent au vote des « scores » attribués à chaque médicament : Service Médical Rendu (SMR) et Amélioration du Service Médical Rendu (ASMR).

Pourquoi impliquer les représentants des associations de patients dans l’évaluation des médicaments ?

La participation des représentants d’associations de patients à la CT a permis de renforcer le dynamisme de la démocratie sanitaire au sein de la HAS et de conforter la place des usagers (3). Les patients disposent d’un savoir spécifique et précieux. Leur expérience du vécu de la maladie, des traitements existants ou du parcours de soins et leurs attentes, sont autant d’éléments qui peuvent enrichir l’évaluation des produits de santé (1).

Depuis 2016, la HAS a d’ailleurs choisi de renforcer leur contribution à l’évaluation des produits de santé en publiant chaque semaine la liste de médicaments et dispositifs médicaux prochainement évalués et pour lesquels la contribution des patients est possible. Les associations de patients ou d’usagers peuvent alors, pour chaque produit de santé concerné, remplir un questionnaire de recueil du point de vue des patients. Cette procédure s’inspire des modèles mis en place par d’autres agences telles que le NICE anglais, le SMC écossais ou la CADTH canadienne (1).

Lors du passage de ces produits en commission d’évaluation, les représentants des associations de patients ou d’usagers, Jean-Pierre Thierry et Gérard Viens pour la CT, sont ensuite chargés de restituer ces informations à l’ensemble des membres de la commission.

Que retiens-tu de l’intervention de Jean-Pierre Thierry et Gérard Viens ?

Les deux intervenants ont mis en lumière un des défis de l’évaluation des médicaments : considérer la qualité de vie des patients. Pour rappel, Jean-Pierre Thierry est médecin, consultant en e-santé et conseiller médical auprès de France Assos Santé (4) qui rassemble 77 associations de santé dont le slogan est « La voix des usagers ». Gérard Viens, dont la fille est atteinte de la maladie rare d’Angelman est également économiste de la santé. Tous deux se félicitent d’avoir participé, depuis leur arrivée à la CT en 2015, à une meilleure prise en compte de la qualité de vie des patients dans l’évaluation des produits de santé. Ils regrettent tout de même l’importance encore trop faible accordée, selon eux, à ce critère dans les essais cliniques.

La difficulté est d’intégrer l’évaluation de la qualité de vie des patients dans le développement clinique sans retarder l’accès des patients aux traitements. Même s’il est très important que la qualité de vie soit reconnue comme un critère d’efficacité à part entière, il reste difficile de mettre en évidence une amélioration statistiquement significative de celle-ci dans les essais cliniques sans prolonger ces essais de plusieurs années. Or, cela retarderait l’arrivé de traitements sur le marché et donc leur disponibilité pour les patients.

Chez CMI, nous constatons également une importance croissante accordée à la qualité de vie des patients au sein des missions que nous menons auprès des établissements ou des industriels de santé. Plusieurs projets menés au cours des dernières années avaient par exemple pour objectif d’évaluer l’impact d’une innovation transformant les pratiques de soins, d’un point de vue organisationnel pour une unité hospitalière, mais aussi du point de vue des patients en termes de qualité et fluidité du parcours de soins.

 

Pour en savoir plus sur les interventions de CMI auprès des établissements ou industriels de la santé : https://www.cmi-strategies.fr/practice/sante-protection-sociale/

Références

  1. https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2017-09/bilan_experimentation_contributions.pdf
  2. https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_41tr2210/fr/commission-de-la-transparence
  3. https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2573438/fr/arrivee-des-usagers-a-la-ct-et-a-la-cnedimts
  4. https://www.france-assos-sante.org/