Communication digitale : secteur en pleine mutation et montée en puissance des cabinets de conseil

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La France, mauvais élève de la communication digitale en Europe

Le marché de la communication en Europe est marqué depuis bientôt 10 ans par un véritable basculement vers les contenus digitaux au détriment des media traditionnels (TV, journaux, magazines, cinéma, radio…). Les dépenses de publicité ont baissé de 3% par an entre 2011 et 2017 pour les media traditionnels tandis qu’elles ont augmenté de 14% par an entre 2013 et 2018 pour les media digitaux. Les dépenses des annonceurs européens sur le digital, estimées à 55 Mds€ en 2018, sont notamment soutenues par l’essor de la vidéo, du mobile, des réseaux sociaux et du display.

Mais le paysage français n’est pas à l’image de l’Europe. En effet, au niveau européen, la publicité digitale représente en moyenne 42% des dépenses totales de publicité. En France, c’est 26% seulement ! C’est dire la marge de progression… A l’inverse, la Grande-Bretagne, qui est de loin le 1er marché européen avec 18 Mds€ de dépenses de publicité digitale (contre 5 Mds€ pour la France), est un marché beaucoup plus mature : la part du digital y atteint près de 60%.

Sans surprise, les annonceurs français prévoient une augmentation de leur budget dédié à la communication digitale mais également au marketing direct (B2B) et à la connaissance client, des segments fortement liés aux contenus numériques. En revanche, sur des segments tels que l’évènementiel, le conseil communication-marketing en amont, la communication interne, ou encore la communication corporate, les budgets ont plutôt vocation à rester stable. Ce sont d’ailleurs ces derniers postes qui ont tendance à être exposés lors des phases de retournement de cycle. A l’inverse, les investissements digitaux sont globalement protégés des aléas de marché : les annonceurs préfèrent tout au plus les reporter plutôt que de les annuler.

Un paysage concurrentiel qui se densifie avec la montée en puissance des cabinets de conseil positionnés à l’intersection entre l’IT, le marketing et la communication

Historiquement, deux grandes catégories d’acteurs se partagent le marché français. D’un côté, les agences dites « majors » telles que Publicis ou Havas pour les français ou encore WPP, Omnicom ou Dentsu pour les étrangers. Ces quelques groupes, historiquement positionnés sur la publicité et les RP (relations presse), sont en fait constitués chacun d’une myriade d’agences généralement spécialisées dans un domaine (media, digital, publicité…). De l’autre, les agences indépendantes, très nombreuses, mais dont peu ont un CA qui dépasse les 15m€. En France, les plus connues sont Fred & Farid, Babel ou encore Buzzman.

Mais depuis quelques années, une troisième catégorie d’acteurs émerge : les cabinets de conseil ont également décidé d’entrer sur le marché afin de diversifier leurs activités. On retrouve essentiellement des cabinets axés IT, comme Accenture ou Capgemini, mais également des cabinets du Big 4 tels que Deloitte ou PwC. Sans surprise, ces nouveaux acteurs activent leurs contacts déjà existants chez leurs clients conseil, parfois au niveau Comex, et entrent chez les annonceurs généralement un cran plus haut que les agences (qui ciblent plutôt les Directeurs Communication), afin de décrocher des contrats sur des sujets technologiques comme l’amélioration de l’expérience utilisateur ou le data marketing. C’est par exemple dans cette logique que PwC a ouvert en juillet 2019 son tout nouveau « Expérience Center » à Paris. Ces acteurs n’hésitent pas à mener une politique agressive d’acquisition, notamment Accenture Interactive (l’agence digitale d’Accenture) qui a racheté pas moins de 30 sociétés à travers le monde ces 6 dernières années, dans les domaines du marketing, de la création/design, de la publicité… D’ailleurs, cette logique d’acquisition est également valable du côté des majors français qui n’hésitent pas, eux aussi, à racheter des agences pour renforcer leurs compétences digitales. Publicis a ainsi acquis Nurun et Sapient en 2014 puis Xebia en 2018. De la même manière, Havas s’est emparé de Fullsix en 2015 puis d’Agence 79 en 2017.

Toutefois, cette dynamique de consolidation ne dessert pas forcément les agences indépendantes de taille plus modeste. En effet, nombre d’entre elles arrivent à sortir leur épingle du jeu en proposant une offre de services suffisamment large tout en conservant une souplesse, une réactivité et une transparence sur les prix. Cette agilité, fortement recherchée par les annonceurs, leur donne un avantage certain face aux structures de plus grande taille. Cela se traduit d’ailleurs dans les chiffres : la croissance du chiffre d’affaires des agences indépendantes françaises ces dernières années a été supérieure à 15% par an tandis que les « majors » arrivaient difficilement à passer la barre des 5% par an.